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Témoignage - La quête des origines chez la personne confiée à l’adoption

Témoignage – Tiré de la revue Soins Pédiatrie/ Puériculture, Numéro 332 - Mai/Juin 2023 – Écrit par Caroline Fortin, présidente et coordonnatrice provinciale – Mouvement Retrouvailles – adopté(e)s – non adopté(e)s - parents

La quête des origines chez la personne confiée à l’adoption

Ce texte offre le témoignage d’une réalité parfois très complexe à concevoir, celle d’une personne confiée à l’adoption qui part à la recherche de ses origines. La démarche semble simple, mais elle recouvre bien des aspects entremêlés, qui rendent la quête périlleuse. I L’adopté, ses parents adoptants comme ceux d’origine, vont tous se trouver embarqués vers une nouvelle page de leur histoire forte en émotions. Il leur faudra en apprivoiser le résultat et continuer leur route avec ce nouveau bagage personnel.

 

Mots clés – adoption ; parent adoptant ; parent d’origine ; recherche ; retrouvailles ; témoignage

 

Le présent article ne se veut aucunement scientifique, mais constitue plutôt un témoi­gnage venant du cœur. Ces quelques lignes déve­loppent l’importance de l’accès aux origines pour une personne confiée à l’adoption 1 . Il est basé sur mon expérience personnelle en tant que présidente et coordonnatrice du Mouvement Retrouvailles. Cet organisme sans but lucratif, situé au Québec, œuvre dans le monde des ser­vices postadoption et des retrouvailles, tant pour l’individu confié à l’adoption, le parent d’origine que le parent adoptant

 

NOTE - 1 Tout au long du texte, la notion de personne adoptée inclut celle confiée à l’adoption mais non adoptée.

 

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QUELQUES ÉLÉMENTS DE COMPRÉHENSION

 

Le besoin de connaître ses origines est viscé­ral. Toutes les personnes confiées à l’adoption, que ce soit au niveau national ou international, ont un point commun, celui du bris du lien d’attachement.

 

  • Pour l’enfant confié à l’adoption, le pre­mier souffle de vie et la rupture maternelle l’amènent déjà vers un avenir sans origine. Pour la mère, le premier cri de son bébé est celui du déchirement, de l’abandon de ce petit être porté si près d’elle pendant neuf mois.

 

Dès la naissance, le vent tourne pour cette conju­gaison sanguine. Tout l’extérieur tourbillonne afin d’aider cette tornade d’idées provenant de préjugés, de valeurs diverses, d’honneur familial brisé et de qu’en-dira-t-on à provoquer son effet dévastateur sur ces deux vies séparées. Ce lien viscéral vient de se briser. Les racines d’origine sont rompues.

 

  • Pour certains, la vie promet une bordée de roses, mais pour d’autres, un chemin de char­dons se dessine à l’horizon. Pour la majorité, des sentiers hybrides, entre les roses et les char­dons, les attendent. Quel sera le futur de ce petit être et de sa mère ? Se reverront-ils un jour ou resteront-ils séparés à jamais ? Qui pourra four­nir les réponses aux multiples questions sou­levées par l’ignorance de ses racines ou relatives à la route prise par son enfant ? Tant pour la per­sonne adoptée que pour son parent d’origine, la notion d’origine se révèle essentielle.

 

 

L’ACCÈS AUX ORIGINES DANS LE CADRE DE L’ADOPTION

 

Selon les pays, l’accès aux origines pour les sujets confiés à l’adoption est abordé différemment. Quelques-uns se montrent très ouverts, tandis que d’autres verrouillent les informations ; et de plus en plus de pays, d’états et de provinces se situent entre les deux.

 

  • Au Québec notamment, l’organisme Mouvement Retrouvailles s’est battu pendant des dizaines d’années pour faire reconnaître le droit aux origines des personnes confiées à l’adoption. Bien de l’encre et de la salive ont été versées auprès des organismes gouverne­mentaux afin que le sceau de la confidentia­lité du dossier d’adoption soit retiré. En 2017, un grand pas en avant a été effectué : des milliers de personnes ont pu accéder à leur identité d’origine et à celle de leur parent bio­logique officiellement reconnu au dossier [1] . Cependant, cela ne leur a pas permis d’obtenir davantage de précisions.

 

  • Au mois de juin 2022, l’adoption d’un projet de loi sur la réforme du droit de la famille a introduit de nouvelles mesures [2] . Celles-ci, pour la plupart mises en vigueur d’ici au mois de juin 2024, faciliteront l’accès aux rensei­gnements inclus au dossier d’adoption, tant pour la personne adoptée que pour le parent d’origine, la fratrie et les descendants d’un indi­vidu adopté décédé. Le droit aux origines est désormais officiellement établi au Québec par la Charte des droits et libertés [3] . La personne confiée à l’adoption est enfin reconnue comme une personne entière ; le droit à l’égalité et à la dignité constitue un droit pour tout être humain, qu’il soit adopté ou non.

 

 

LE BESOIN DE SAVOIR D’OÙ L’ON VIENT

 

Tout être humain doit pouvoir savoir d’où il vient, qu’il soit adopté ou non. Pour bien s’enraciner, un arbre est tenu de disposer d’un terreau fertile pour que ses racines puissent se développer adéquatement et l’aider à grandir du mieux possible. L’être humain éprouve ce même besoin. Il est vrai que de nouvelles racines se formeront lors de l’adoption, mais il s’agira de racines secondaires. Pour nombre de personnes, elles se révéleront suffisantes, mais pour d’autres, cet enracinement sera sus­ceptible de présenter une certaine fragilité, qu’il sera important de renforcer.

 

  • Accéder à ses origines ne veut pas néces­sairement dire s’immiscer dans la famille retrouvée. Oui, une relation pourra s’établir, mais parfois celle-ci ne sera pas désirée ou sera impossible pour différentes raisons appar­tenant au requérant ou à la partie retrouvée. Accéder à ses origines signifie, au départ, avoir accès à son identité de naissance, connaître l’identité de ses parents, grands-parents, frères et sœurs, obtenir des renseignements sociobiologiques familiaux, prendre connaissance des divers documents concernant sa naissance et son adoption, etc. Bref, comme tout être humain, la personne affublée du statut de “personne adoptée” doit avoir accès aux élé­ments relatifs à sa naissance, à ses origines.

 

  • Cependant, il ne faut pas confondre accès aux origines et retrouvailles. L’un peut aller sans l’autre, quoique tout au fond d’eux une grande partie des individus désirent les deux. Mais n’oublions pas que l’on ne peut pas forcer deux êtres à se rencontrer. Si une mère refuse le contact avec l’adopté qui en fait la demande, ce dernier doit respecter ce choix. Moult femmes ont enfoui ce secret tout au fond de leur être et leur entourage n’est pas au fait de la situation. Après autant d’années, ressasser le passé devient douloureux. Revivre le jugement d’alors vient rouvrir la blessure. Le jardin secret de ces mères est susceptible d’être difficile à pénétrer.

 

  • Une personne adoptée peut désirer uni­quement connaître ses origines, sans vou­loir renouer avec sa famille biologique. Dans un tel cas, seule la demande d’accès aux infor­mations sera réalisée.

 

 

LES DIFFÉRENTS RESSENTIS DU PARENT D’ORIGINE

 

Pour le parent d’origine, majoritairement la mère, le secret de la grossesse, de la naissance et de l’adoption constitue un lourd passé à porter. z Nombre d’entre elles n’ont jamais pu en dis­cuter avec leurs proches, leur conjoint, leurs enfants ou leurs connaissances. Combien ont quitté cette Terre en emportant cette période délicate avec elles ? D’autres en ont parlé et ont entamé des recherches, et ce, des dizaines d’années après la naissance. Beaucoup l’ont caché, mais ont accepté les retrouvailles lorsque la demande s’est présentée. Toutes celles reçues à Mouvement Retrouvailles ont confirmé ce sentiment de libération, ce bien-être ressenti au cours de cette délivrance. Dorénavant, elles peuvent savoir, elles peuvent parler librement et elles obtiennent des réponses à leurs questions. Ignorer où se trouve cet enfant qu’elles ont dû laisser à d’autres bras représente une peine éter­nelle, une lourdeur indescriptible. Où est-il ? A-t-il été bien dans sa nouvelle famille ? Est-il en bonne santé ? Qu’est-il devenu ? Connaît-il son statut d’adopté ? Que lui a-t-on raconté ? Cherche-t-il celle qui l’a mis au monde ? Existe-t-il des res­semblances ? Il faut garder à l’esprit que les racines premières sont ces femmes. Le mal res­senti lors de la naissance de leur bébé demeure gravé à tout jamais dans leurs cœurs, dans leur corps. Cette cicatrice ne sera jamais cautérisée totalement.

 

  • Quand le parent entreprend les procédures de retrouvailles, il arrive que la personne confiée à l’adoption refuse d’aller à sa rencontre. Il se peut qu’elle ne ressente pas ce besoin de savoir et/ou qu’elle ne soit pas prête à effectuer ce pas. En effet, tous les individus confiés à l’adoption ne sont pas désireux d’en savoir plus et/ou de revoir celle qui leur a donné la vie. Tout comme l’adopté, le parent qui apprend qu’un refus de contact est prononcé doit faire face à une grande douleur et à l’incompréhension. Mais cette oppo­sition doit être respectée. Dans un cas comme dans l’autre, le sentiment de rejet fait surface et prend une place plus ou moins importante selon les personnes.

 

 

LE POSITIONNEMENT DU PARENT ADOPTANT

 

Pour le parent adoptant, il est essentiel de soute­nir le désir de son enfant de connaître ses origines.

 

Nul besoin d’être constamment en question­nement sur l’avancement de ses démarches, mais simplement d’être présent, attentif et prêt à aider le moment venu.

 

  • Naturellement, il est fondamental de lui révéler la vérité sur son statut et de lui fournir les détails nécessaires. Malheureusement, trop de personnes découvrent à l’âge de 50 ou de 60 ans qu’elles ont été adoptées. Pour elles, cette infor­mation est dévastatrice, et leurs relations avec leur famille adoptive se trouvent bouleversées. Il aurait mieux valu leur en parler lorsqu’elles étaient enfants. Mais le passé ne pouvant être revécu, ces tristes situations ne peuvent être corrigées.

 

  • Le parent adoptant craint souvent les démarches de retrouvailles de son enfant. Nous entendons occasionnellement des phrases telles que « Avec tout ce qu’on a fait pour lui, c’est comme ça qu’il nous remercie ! » Il ne faut pas oublier que la personne adoptée ne réalise pas ces démarches ou ne part pas à la recherche de ses origines pour couper les ponts avec ceux qui l’ont aimée, élevée, soignée, dorlotée, etc. Bien au contraire, la plupart des individus qui ont eu la chance de grandir dans de telles familles sont très reconnaissants et ne peuvent que remer­cier leurs parents. Le fait de savoir la vérité sur leurs origines vient généralement renforcer leurs relations avec ceux qui les ont élevés. Ce sont eux leurs parents. D’ordinaire, l’adopté en quête de son identité peut dire que la personne retrou­vée ne sera pas sa mère, sa maman reste celle qui l’a élevé, soigné, aimé. Il n’est donc pas rare de l’entendre appeler ses parents d’origine par leur prénom usuel.

 

 

 

LORSQUE LA RENCONTRE SE PRODUIT

 

Si des retrouvailles ont lieu entre la personne adoptée et son parent biologique, chacun doit respecter ses limites et celles de l’autre.

 

  • Il est nécessaire que chacun se sente à l’aise dans cette nouvelle relation pleine de beaux papillons au départ, lesquels peuvent petit à petit diminuer en quantité. Il faut prendre le temps de s’apprivoiser sereinement. Nul besoin de vou­loir rattraper le temps perdu, c’est impossible. Ce qui appartient au passé fait partie de l’existence et il faut bâtir le futur, en douceur et dans le respect de ce qui est. Tranquillement, d’autres membres de la famille peuvent être introduits, tant du côté bio logique que du côté adoptif. Chacun doit trouver sa place dans cette nouvelle aventure. Les vitesses de croisière varient de l’un à l’autre et, pour arriver à bon port, il faut tenter de s’ajuster afin de naviguer dans une même direction et à une même cadence. Certains y parviennent, d’autres pas. Malgré bien des similitudes dans les situations de retrouvailles, chaque cas demeure unique.

 

  • D’autres personnes préfèrent attendre le décès de leurs parents adoptifs avant d’entreprendre leur quête des origines, sous prétexte de ne pas les blesser ou pour éviter un conflit de loyauté (ce sentiment désagréable ressenti lorsque l’on a l’impression d’avoir à choisir entre l’un ou l’autre). Il s’agit ici d’un choix personnel. Serait-il possible d’intégrer les deux familles dans une même vie ? Où sera la place de chacun dans cette démarche de retrouvailles ? La capacité des parents adoptifs à accepter cette recherche est-elle surestimée ou sous-estimée ? Ce ne sont que quelques questions soulevées par l’adopté avant qu’il ne décide d’aller de l’avant dans la quête de ses origines.

 

 

DE L’IMPORTANCE DE LA PRÉPARATION ET DE L’ACCOMPAGNEMENT

 

Chaque personne entame ses investigations à sa façon. Mais l’important pour tous, c’est la pré­paration. D’où l’importance d’en parler à ses proches (famille et amis), de demander l’aide et l’accompagnement d’organismes ou de spé­cialistes en la matière, d’écrire noir sur blanc les attentes et les possibles réactions face à diverses situations. Les lectures sur le sujet peuvent éga­lement aider à choisir la meilleure manière de procéder, les sources d’accompagnement et de soutien, le meilleur moment, etc. Écouter ou lire des témoignages de gens concernés ouvre les yeux sur le monde du secteur post- adoption et retrouvailles. Un beau coffre aux trésors est à portée de main, mais que contient-il ?

 

Le profil ADN

 

Depuis quelques années, obtenir un profil ADN est devenu possible. Dans différents pays, compte tenu des lois gouvernementales sur l’accès aux origines, il est difficile de connaître la vérité. Des publi­cités informent que diverses compagnies offrent la possibilité de retrouver ses ancêtres, d’obtenir des indications sur l’ethnicité, voire sur les éven­tuels antécédents médicaux familiaux. Mais ce ne sont pas les seuls renseignements disponibles. Avec un profil d’ADN personnel, des compagnies établissent des correspondances entre les parti­cipants, ce qui permet de trouver des membres de la famille biologique, reliés de près ou de loin. Cela demande un travail évident, mais si les correspondances présentent des arbres généa­logiques indiquant le nom des parents, grands-parents, arrière-grands-parents, la personne adoptée peut faire le lien avec sa famille bio­logique. Les informations initialement indiquées au dossier d’adoption (antécédents sociobiologiques) et d’autres détails connus du requérant procurent de quoi se lancer sur la bonne piste.

 

 

 

Réseaux sociaux et organismes spécialisés

 

Avec les réseaux sociaux, il est aujourd’hui facile d’obtenir des renseignements au sujet d’une per­sonne bien précise. Il convient cependant de se poser des questions avant de contacter directe­ment quelqu’un sur Facebook, par exemple. En effet, recevant une demande provenant d’un inconnu, il risque de ne pas l’accepter, de ne pas ouvrir le message, de croire à une menace ou à une tentative de fraude.

 

  • D’autres moyens existent pour contacter une personne, en lien avec un dossier d’adoption : se tourner vers un organisme dédié aux services postadoption et retrouvailles, se faire aider par un individu compétent en la matière. Cette démarche sera remplie d’émotions et d’implication aussi la présence d’un intermédiaire constituera-t-elle une très grande aide et un support assuré.

 

  • Cela n’empêche pas l’utilisation des réseaux sociaux pour dénicher l’aide et l’accompagnement nécessaires, ainsi que le lieu appro­prié pour publier un avis de recherche détaillé. Plusieurs pages consacrées à ce type de requêtes recueillent un grand nombre de visiteurs, parmi lesquels pourraient se trouver les personnes recherchées. Si les réseaux sociaux ne sont pas à négliger, ils sont à utiliser avec prudence et il est préférable de s’assurer du professionnalisme d’un intermédiaire ou d’une organisation dédiée.

 

 

CONCLUSION

 

Un des mots importants à retenir dans cette quête identitaire est celui de respect. Se respecter dans ses choix, ses limites, sa façon d’être, et respecter l’autre de la même manière. Le respect attire le respect en retour. Les deux parties doivent se sentir bien dans cette démarche, qu’elle se termine ou non par des retrouvailles. Il est pri­mordial d’analyser les apports procurés par ce cheminement et de mettre l’accent sur l’aspect positif retiré. Enfin, il faudra apprivoiser le résul­tat obtenu et continuer sa route avec ce nouveau bagage personnel.

 

 

RÉFÉRENCES

  • Loi modifiant le Code civil et d’autres dispositions législatives en matière d’adoption et de communication de renseignements, LQ 2017, c www.canlii.org/fr/qc/legis/ loisa/lq-2017-c-12/derniere/ lq-2017-c-12.html.
  • Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil en matière de droits de la personnalité et d’état civil, LQ 2022, c 22. www.canlii.org/ fr/qc/legis/loisa/lq-2022-c-22/ derniere/lq-2022-c-22.html.
  • Charte des droits et libertés de la www.legisquebec. gouv.qc.ca/fr/document/lc/C-12.

 

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